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Le blog du fourneau
25 mars 2024

Et vous passerez comme des vents fous

« Et vous passerez comme des vents fous »

ARNAUD Clara

(Actes Sud)

 

Par bien des aspects, voilà un roman qui chez le vieux Lecteur a souvent réveillé le souvenir de certaines des œuvres de Jean Giono. Un même amour de la montagne, même si l’Ecrivain né à Manosque traitait le plus souvent des Alpes provençales, alors que Clara Arnaud inscrit son récit dans les paysages prodigieux des Pyrénées. Un même respect pour la vie, la vie sous toute ses formes, dans sa globalité qui inclut toutes les espèces vivantes, y compris celles qui sont en concurrence avec les humains. Une même exaltation de la défense d’un milieu naturel mis à mal par les activités liées à une économie soumise aux intérêts exclusifs de la caste des capitalistes, y compris lorsqu’il s’agit des activités pastorales.

Clara Arnaud raconte avec une belle sensibilité ce qu’est la vie des bergers dans les estives. Les quelques mois durant lesquels les brebis se répandent dans les alpages, sous le regard attentif desdits bergers et sous la surveillance permanente des chiens (dont les fameux patous). Les (rares) attaques des ours implantés dans le secteur. Les violentes polémiques que soulèvent ces attaques. Celles qui opposent certains éleveurs aux défenseurs de la réintroduction de plantigrade. Clara Arnaud prend le parti des seconds à travers le personnage d’Alma, une éthologue qui travaille pour le compte du Centre national pour la biodiversité et qui étudie donc le comportement des ours. Alma qui va se trouver au cœur de ces polémiques au lendemain de « l’assassinat » par des inconnus d’une ourse qui laissera un orphelin dont nul ne sait ce que sera la destinée (en dépit des patientes recherches auxquelles Alma se livrera).

Le roman est aussi celui du devenir du pastoralisme, à travers le personnage de Gaspard, un berger chargé d’un troupeau de quelques centaines de tête. Gaspard qui s’interroge sur son avenir. Marié, père de deux fillettes, a-t-il encore un avenir dans ce genre d’activité ? L’amitié de Jean, un ancien de la profession, suffira-t-elle à le convaincre à s’inscrire dans la suite de ceux qui l’ont précédé du côté des estives ?

Le vieux Lecteur a pris beaucoup de plaisir à accompagner ces personnages-là ainsi que les quelques ceux qui restent arrimés à leur pays de montagne. Un beau roman « naturaliste » qui pose sans détour quelques-uns des problèmes majeurs auxquels se confrontent nos sociétés dites modernes. Sur lequel plane le souvenir de Jules Piquemal, qui tenta fortune de l’autre côté de l’Atlantique à la fin du 19° siècle. Montreur d’ours dansant. Un ours (alors fragile ourson) que Jules Piquemal avait eu le culot (ou l’inconscience ?) de dénicher dans la tanière désertée provisoirement par sa mère au sortir de l’hibernation.

« Elle (Alma) se glissait dans les futaies, au travers des buissons, dans le sillage des ours, cherchant à déchiffrer les traces de leur passage, à identifier dans des signes infinitésimaux la manière singulière de chaque individu de peupler le territoire. Souvent, durant les longues journées d’affût et de pistage, le monde alentour résonnait. Les montagnes s’étaient rehaussées d’une présence qui rendait les forêts plus denses, leur vert plus profond, restituait aux arbres et aux rivières leur chant. Il lui semblait alors percevoir avec plus d’acuité les variations de couleur des roches, des fleurs, du ciel, selon la lumière. Et hier matin, elle l’avait senti, l’ourse était proche. »

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