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Le blog du fourneau
20 mars 2024

Au bon vieux temps de Dieu

« Au bon vieux temps de Dieu »

BARRY Sebastian

(Joëlle Losfeld)

 

Trop facile, si lâche et inconséquent de confiner ce roman de l’Irlandais Sebastian Barry dans la catégorie des polars. Sous le fallacieux prétexte que le personnage principal, Tom Kettle, est un ancien flic à la retraite. Et qu’il est convié par ses anciens collègues à apporter tout son savoir-faire dans une enquête sur les crimes sexuels commis aux alentours de Dublin par des prêtres par ailleurs couverts et protégés par leur hiérarchie.

Le vieux Lecteur, lui, considère ce passionnant roman construit de bien belle manière comme un portrait sans concession sur une institution dont peu d’intellectuels n’osent dénoncer les perversions. L’Eglise catholique, apostolique et romaine, dirigée par une clique de vieux mâles et conférant à son petit personnel d’exorbitants et scandaleux privilèges. A commencer par ce droit ignoble d’user et d’abuser sexuellement de jeunes enfants, filles et garçons.

C’est ce scandale étouffé par la hiérarchie vaticancaneuse que le roman de Sebastian Barry laisse plus qu’entrevoir. A travers ce que fut la vie de Tom Kettle, l’ancien flic qui malgré lui replonge dans des affaires qui ont détruit le plus proche de son environnement. Un ancien flic qui fut un enfant dont abusa sexuellement un curé. Un ancien flic qui épousa en ses vertes années, June, une jeune femme qui durant son enfance fut la proie soumise aux agissements barbares d’un autre curé. Des crimes impunis, mais dont les conséquences pesèrent sur la vie du couple, générant à retardement d’insupportable souffrances. Que Sebastian Barry donne à vivre à son Lecteur, qui s’inscrive dans sa chair de Lecteur et le laisse plus qu’incrédule, comme atterré. Car tout cela, ces violences inqualifiables, ont bel et bien eu lieu, sans que les vieux mâles s’en émeuvent, sans qu’ils condamnent les auteurs des crimes. Ces crimes face auxquels cinquante ou cent ans plus tard de nobles prélats exprimeront excuses et regrets.

« Il (Tom) craignait de ne pouvoir le supporter. Sa femme, encore petite fille, dans le salon des bonnes sœurs, il y avait longtemps, sur les genoux d’un prêtre. Ses propres souvenirs du frère, cette odeur d’urine, les coups de fouet impitoyables et de bâton sur le dos, sur les jambes, chaque nuit pendant un millénaire, un univers sans fin, mais il s’en tirait bien par rapport à d’autres, ce gars de Limerick qui, selon lui, avait été tué, il avait fugué et été ramené par les flics – les flics -, condamné à passer l’hiver, des semaines et des semaines, et qui sait ce qu’il était devenu, il avait disparu, un matin, il n’était plus là, personne n’avait plus jamais parlé de lui, ce pauvre Marty, se lamentaient-ils, mais ce qui lui était arrivé, ils l’ignoraient…. »

Un roman qui n’est pas un polar mais bel et bien la mise en scène des crimes et perversions commis en terre d’Irlande sur des enfants par une caste d’ignobles et d’abjects serviteurs d’un Dieu qu’ils feignaient (qu’ils feignent encore) de vénérer. Une œuvre dont le vieux Lecteur estime qu’il serait criminel de la confiner dans les sous-catégories littéraires.

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